4.2.18

Sans titre



 Le week-end est fini. Demain, les malheureux travailleurs reprendront le collier. Pas toi ! Tu ne travailles pas, tu n'aimes pas ça. Saki non plus, d'ailleurs. Hier, tu as consulté le bulletin météorologique pour la semaine à venir. Sachant que du mauvais temps est annoncé, tu es allé te ravitailler, prévoyant suffisamment de petits pâtés pour Saki et suffisamment de cigarettes pour toi, afin de t'éviter d'avoir à sortir sous la pluie au cours des prochains jours. Depuis, tu vis en paix. Tu as bien avancé la lecture de « Cette chose étrange en moi », le dernier roman d'Orhan Pamuk dont tu as lu, il y pas mal de temps déjà, d'autres récits que tu avais beaucoup aimés, tout autant que ce roman-là. Tu vis donc en paix et en autarcie. Tu conserves pourtant le souvenir de ta fiancée qui, en fin de semaine, a soudainement disparu de ton univers. Tu y penses encore. Aussi, pour ne pas tomber dans le spleen, tu ne te contentes pas de lire ou d'écrire : tu dessines, tu peins. Tu ne dessines, ne peins pas comme l'entendent la plupart des gens, puisque tu utilises des logiciels spécialement conçus pour ce type d'activités. Tu tues paisiblement le temps en attendant des nouvelles de ta fiancée. Tu sais que, tôt ou tard, elle sera amenée à lire ce qui précède, à regarder tes oeuvres. Ce que tu ne sais pas, c'est comment elle réagira. Peut-être qu'elle ne réagira pas, ce qui sera, de toute façon, une indication sur la direction que suivra ta destinée. Destinée qu'en aucun cas tu ne cherches à maîtriser — tout comme ta fiancée, ou plutôt, ton ex-fiancée. Tu te laisses porter pas le fleuve de ton existence — ta vie, aurais dit Goethe — qui n'est plus très loin de son embouchure. Tu n'imagines pas une seconde le remonter à la nage. Tu as passé l'âge pour te faire une idée pareille. Tu n'as aucune envie de te noyer dans une telle entreprise. Serein, tu te laisses porter. Tu te contentes de publier ta dernière oeuvre picturale — sans titre —, inspirée des toiles de Jackson Pollock, et tu siffles Saki pour le convier à partager le dernier sandwich du week-end. End.

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