5.2.18

Missing

 La pluie est venue hier dans la nuit. Il a plu, presque sans discontinuer, toute la journée. Il fait froid. Pour s'abriter du mieux possible, les pigeons se sont rassemblés, serrés en couple, contre les portes fenêtres du #205. Après leurs avoir causé quelques frayeurs en se jetant contre les vitres, Saki a finalement décidé de les laisser se réchauffer tranquillement. Les pigeons passeront ainsi cette froide et seconde nuit ruisselante en paix. Tu t'es félicité pour avoir stocké suffisamment de victuailles et de cigarettes, samedi, afin de ne pas être obligé de braver les intempéries en ce début de semaine. Tu a pris tout le temps nécessaire pour vaquer aux détestables mais incontournables tâches ménagères, telles que nettoyer la vaisselle, changer la litière de Saki, donner un coup de balai, etc.. Tu as aussi préparé de quoi te restaurer pour les quatre ou cinq jours à venir. Tu n'auras plus qu'à réchauffer tes prochains repas. Saki, lui, mange tous ses repas froids, même en hiver. Vous avez plusieurs fois joué ensemble quand Saki a senti l'envie de se dégourdir les pattes, à la suite de ses multiples siestes. Le reste du temps, tu as lu quelques pages de Pessoa, d'autres de Pamuk, tu as classé et sauvegardé des textes et des images sur ton PC, mais tu n'as rien produit de particulier, sinon en photoshopant une vieille photographie aux couleurs orageuses de fin d'été, histoire de propager un rayon de lumière dans ta tête.



 Tu as encore écouté de nouvelles musiques sur Bandcamp. Et, acte maintenant plutôt rare, tu as rapidement survolé quelques blogs d'individus, plus ou moins connus de toi, qui prétendent écrire — mais pas comme toi, c'est sûr ! En fin d'après-midi, tu as passé un moment à parler au téléphone avec BBL. Et puis, ce soir, tu as ouvert un grand cahier noir, vierge de toute écriture en dehors de trois premières pages magnifiquement remplies par la main de ta fiancée. Sur la page d'après, tu as inscrit, au stylo à encre, une encre très noire, les initiales — accolées d'un point — du prénom et du nom de ta fiancée, puis tu as soigneusement calligraphié deux petits points, l'un au-dessus de l'autre, et, enfin, tu as lentement écrit les deux mots suivants : « Portée disparue ». Tu as refermé le cahier. Tu ne l'as pas rangé. Tu l'as laissé sur le bureau noir, le plus large des trois bureaux à ta disposition. Saki est alors venu se coucher sur la couverture cartonnée du grand cahier. Tu t'es ensuite calé dans un siège, face au bureau blanc. Tu as rallumé le PC. Tu as raconté votre journée, celle de Saki et la tienne. Tu finis de boire un café déjà presque froid et tu fumes une énième Winston. Voilà, ce sera tout pour le moment. Tu penses, sur l'instant, n'avoir rien de plus à dire.

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